Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol3.djvu/378

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se mit en marche et enfin, ce fut à notre tour, Antonov et Velentchouck n’étaient toujours pas là. Mais nous n’avions pas encore fait cent pas que les deux soldats nous rejoignaient.

— Où était-il ? — demandai-je à Antonov.

— Il dormait dans le parc.

— Quoi ! Est-il ivre ?

— Pas du tout.

— Alors, pourquoi s’est-il endormi ?

— Je ne puis le savoir.

Pendant trois heures nous avançâmes lentement en silence dans l’obscurité à travers les champs incultes, sur la neige et les buissons rabougris qui craquaient sous les roues des caissons.

Enfin, après avoir trouvé un ruisseau peu profond, mais très rapide, on nous fit arrêter, et à l’avant-garde des coups de fusil saccadés se firent entendre. Ces sons, comme toujours, causaient une excitation générale ; le détachement semblait se réveiller. Dans les rangs s’entendaient les conversations, le mouvement, les rires. Parmi les soldats, quelques-uns luttaient avec leurs camarades, d’autres sautaient d’un pied sur l’autre ; les troisièmes, pour passer le temps, mâchaient des biscuits ou s’exercaient à présenter et à poser arme. De plus, le brouillard commençait à blanchir vers l’Orient, l’humidité devenait plus sensible et les objets d’alentour peu à peu se détachaient des ténèbres. Je distinguais déjà les affûts verts et les