Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol3.djvu/397

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bon, avec une baguette le mit sur sa pipe, et, sans rien dire, comme s’il ne remarquait pas la curiosité silencieuse excitée chez les auditeurs, il alluma longuement son tabac. Quand enfin il y eut assez de fumée, il rejeta le petit charbon, repoussa son bonnet encore plus en arrière, puis, faisant un mouvement et souriant un peu, il continua : — On me demandait aussi : Quel garçon est le Tcherkess ? Est-ce qu’au Caucase les Turcs vous battent ? Je répondis : chez nous, mon cher homme, il n’y a pas un Tcherkess, mais plusieurs. Il y a des gaillards qui vivent dans les montagnes pierreuses et mangent des pierres au lieu de pain ; ceux-là, dis-je, sont grands comme des arbres, ils ont un œil au milieu du front et leurs bonnets sont rouges comme une flamme. À peu près comme le tien, mon cher homme, ajouta-t-il en s’adressant à une toute jeune recrue qui avait en effet un drôle de bonnet au dessus rouge.

La recrue, à cette apostrophe inattendue, s’assit à terre, se frappa sur les genoux, éclata de rire et toussa tellement qu’à peine pouvait-il prononcer de sa voix suffocante : « En voilà des montagnards ! »

— Puis, dis-je, il y a encore les Moumri — continua Tchikine, en ramenant par un mouvement de tête, son bonnet sur son front. — Les autres sont des petits jumeaux. Ils vont toujours par deux. Ils se tiennent la main dans la main et courent si ra-