Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol3.djvu/434

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on ne suffit pas aux pantalons et aux bottes, presque chaque mois j’en use une paire. Ensuite le linge, les chemises, les serviettes, les bandelettes pour les pieds, il faut acheter tout cela, et quand on compte il ne reste rien. C’est vrai, je vous le jure, Abram Ilitch.

— Oui, les bandelettes sont très agréables à porter, — dit tout à coup Kraft après un silence d’un moment en prononçant avec une tendresse particulière le mot bandelettes — Savez-vous, c’est simple, à la russe.

— Je vous dirai — fit remarquer Trocenko, que de quelque façon qu’on calcule, on trouve toujours que notre frère doit se mettre les dents au crochet, et en réalité, nous tous vivons, buvons du thé, de l’eau-de-vie et fumons du tabac. Quand on sert depuis aussi longtemps que moi — continua-t-il en s’adressant au sous-lieutenant, — on apprend aussi à vivre. Vous savez, messieurs, comment il se conduit avec ses brosseurs ?

Et Trocenko, en pouffant de rire, nous raconta, bien que nous tous l’eussions entendue mille fois, toute l’histoire du sous-lieutenant avec son brosseur.

— Et toi, mon cher, pourquoi deviens-tu comme une pivoine ? — continua-t-il en s’adressant au sous-lieutenant qui rougissait, souriait, faisait peine à regarder. — Ce n’est rien, mon cher, j’ai été comme toi, et maintenant, tu vois, je suis