Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol3.djvu/46

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cosaques se hâtent de rentrer des jardins avant le coucher du soleil et attachent les claies. Les jardins deviennent vides comme tous les environs ; mais alors, la stanitza s’anime particulièrement. De tous côtés, des gens à pied, à cheval, ou dans les chariots grinçants se dirigent vers la stanitza. Les jeunes filles, en chemises bouffantes, de longues branches dans les mains, en bavardant joyeusement, courent vers les portes cochères près du bétail qui s’arrête dans un nuage de poussière et de moucherons qu’il a amenés de la steppe. Les vaches grasses et les bufflonnes se dispersent dans les rues, et les femmes cosaques, dans leurs bechmets bigarrés, circulent parmi elles. On entend leurs conversations animées, leurs rires joyeux, leurs cris aigus qu’interrompent les mugissements du bétail. Là-bas, un Cosaque à cheval, armé, qui a reçu le congé du cordon, s’approche de sa cabane, se penche vers la fenêtre et y frappe quelques coups. Aussitôt se montre une jeune et jolie tête de femme et l’on entend ses paroles tendres et souriantes. Là-bas, un ouvrier nogaï, déchiré, aux pommettes saillantes, qui vient d’apporter des roseaux de la steppe tourne son chariot grimaçant dans la cour propre et large de l’essaoul[1], dételle les bœufs qui agitent la tête, et échange des paroles tatares avec le maître. Près de la mare qui

  1. Essaoul, grade militaire du Caucase, correspondant à celui de capitaine