Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol3.djvu/86

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qu’une petite ceinture serrait sur le ventre enfoncé, était élégant et beau. Les bras musclés pendaient le long des côtes. La tête bleuie, ronde, fraîchement rasée, avec la blessure coagulée, était rejetée sur le côté. Le front hâlé, bruni par le soleil, s’écartait sous un angle assez grand, du crâne rasé. Les yeux ouverts, vitreux, les pupilles arrêtées en bas, semblaient regarder dans le vide, sur les lèvres minces contractées aux coins et qu’on voyait sous les moustaches rouges, taillées, un sourire bon et fin semblait s’être figé. Les phalanges des doigts étaient couvertes de poils roux, les doigts étaient recourbés à l’intérieur de la main et les ongles peints en rouge.

Loukachka ne s’habillait toujours pas. Il était mouillé, son cou était plus rouge et ses yeux plus brillants qu’à l’ordinaire. Ses larges pommettes se contractaient. De son corps blanc, vigoureux, dans l’air frais du matin montait une vapeur à peine visible.

— C’était aussi un homme ! — prononça-t-il en admirant le cadavre.

— Oui, si tu étais tombé entre ses mains, il ne t’aurait pas fait grâce, — répondit un des Cosaques.

Le silence cessa. Les Cosaques s’agitaient et commençaient à parler. Deux partirent couper des branchages pour la hutte, les autres s’éloignèrent vers le cordon. Loukachka et Nazarka commencèrent à faire leurs préparatifs pour se rendre à la stanitza.