Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol3.djvu/89

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dans cette même stanitza, où, d’après ce qu’on disait, il était ordonné d’installer les compagnies ; alors, les compagnies étaient chez elles. Mais pourquoi fallait-il rester ici ? Que sont ces Cosaques ? Leur plaira-t-il que les compagnies s’installent chez eux ? Sont-ils vieux-croyants ? Personne ne s’intéressait à cela. Une fois les comptes faits, les soldats fatigués et couverts de poussière, avec un bruit désordonné, commencèrent à se disperser comme un essaim d’abeilles par les places et par les rues. Sans remarquer le mécontentement des Cosaques, par groupe de deux ou trois, en causant très gaîment et en faisant sonner leurs fusils, ils entraient dans les cabanes, déposaient leurs munitions, se débarrassaient de leurs sacs et plaisantaient avec les femmes.

À l’endroit favori des soldats, où se préparait le gruau, un grand groupe se formait, et les fantassins, la pipe aux lèvres, regardaient tantôt la fumée qui s’élevait dans l’air chaud et qui, à une certaine hauteur, s’épaississait en un nuage blanc, tantôt la flamme du bûcher qui vacillait dans l’air calme comme du verre fondu, ou se moquaient et riaient des Cosaques et de leurs femmes à cause de leur vie si différente de celle des Russes. Dans toutes les cours où il y a des soldats, on entend leurs ricanements, les cris fâchés, aigus des femmes qui défendent leurs maisons et qui ne permettent pas de prendre ni eau ni vaisselle. Les ga-