Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol3.djvu/91

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teint jaunâtre, fatigué par la vie nocturne, avait fait place sur ses joues, sur son front et derrière ses oreilles, à une coloration rouge, saine. Au lieu de l’habit noir neuf, soigné, il portait un caftan blanc, sale, à larges plis, comme les tcherkess, et des armes. Au lieu du col propre, empesé, le col rouge d’un bechmet de soie entourait son cou brun. Il était habillé à la tcherkess, mais mal, et chacun reconnaissait en lui un Russe et non un Djiguite. C’était cela et pas cela.

Cependant, toute sa personne respirait la santé, la joie, le contentement de soi-même.

— Vous trouvez que c’est drôle — dit Vanucha, — mais parlez vous-même à ces gens-là, — ils ne donnent rien et voilà tout. On ne peut même obtenir un mot. — Vanucha, avec colère, jetait vers le seuil un seau en fer. — C’est comme s’ils n’étaient pas Russes.

— Il fallait demander le chef de la stanitza ?

— Mais je ne connais pas du tout le pays, — répondit Vanucha offensé.

— Qui donc te blesse ainsi ? — demanda Olénine en regardant alentour.

— Diable le sait ! Peuh ! Il n’y a pas le vrai maître, on dit qu’il est allé à la pêche, à une kriga[1]. Et la vieille c’est un vrai diable, que Dieu nous préserve ! — répondit Vanucha en prenant sa tête

  1. Kriga, endroit de la rivière barré par une claie et réservé à la pêche.