Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol36.djvu/40

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tiver directement les terres affermées aux paysans. Le gérant écrivait que ce dernier mode d’exploitation était plus avantageux. L’intendant s’excusait en outre du léger retard apporté dans l’envoi au prince d’une somme de trois mille roubles de revenus, qu’il devait lui envoyer le premier de chaque mois. Cette somme lui serait expédiée par le prochain courrier. La faute en était aux paysans, si peu consciencieux à remplir leurs engagements, que, pour les faire payer, il fallait, pour quelques-uns, avoir recours aux autorités. Cette lettre fut à Nekhludov à la fois agréable et désagréable. Il lui plaisait de se sentir maître d’une très grande propriété mais, d’autre part, cela lui était désagréable, car, au temps de sa première jeunesse, étant partisan enthousiaste d’Herbert Spencer, et surtout, étant lui-même grand propriétaire foncier, il avait été frappé, à la lecture du Social statics, de son idée que l’équité n’admet pas la propriété foncière individuelle. Avec la franchise et la décision de la jeunesse, non seulement il avait dit alors que la terre ne peut être l’objet de la propriété privée, non seulement il avait écrit à l’Université une thèse sur ce sujet, mais encore il avait distribué aux paysans quelques petites terres (qui n’étaient pas à sa mère et que son père lui avait laissées), ne voulant pas posséder cette terre à l’encontre de ses convictions. Aujourd’hui qu’il avait hérité d’une grande propriété, il devait : ou