Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol36.djvu/45

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tent les célibataires d’un certain âge, et, aussi cette peur irraisonnée devant la créature mystérieuse qu’est la femme.

En faveur du mariage, précisément avec Missy (la princesse Kortchaguine s’appelait Marie, mais comme c’est l’habitude dans les familles d’une certaine société, on lui avait donné un surnom), la principale raison était son excellente famille, la distinction qu’elle montrait dans ses toilettes, sa manière de parler, de marcher, de rire et qui la différenciait du commun des femmes. Il ne trouvait pas d’autre mot que « distinction » pour définir cette qualité qu’il tenait en haute estime. Deuxièmement, la jeune princesse l’appréciait mieux que qui que ce fût, et, par conséquent, selon lui, le comprenait mieux. Or, de ce fait qu’elle le comprenait, et par suite reconnaissait ses hautes qualités, Nekhludov concluait qu’elle était intelligente et de jugement sûr. Contre le mariage avec Missy, en particulier, il y avait aussi des arguments : premièrement, il était très possible que Nekhludov rencontrât une jeune fille ayant plus de qualités encore que Missy et qui, par suite, serait plus digne de lui ; deuxièmement, comme elle avait vingt-sept ans, elle avait sans doute aimé déjà, et cette pensée était très pénible à Nekhludov. Son orgueil ne pouvait admettre que, même dans le passé, la jeune fille ait pu aimer quelqu’un qui n’était pas lui. Sans doute elle ne