Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol36.djvu/72

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— Votre nom ? demanda le président à l’accusée, avec un soupir de fatigue, sans même la regarder, et en consultant les papiers qui étaient devant lui. Habitué à cette procédure, et pour aller plus vite, il pouvait bien faire deux choses à la fois.

Botchkova avait quarante-trois ans ; condition : bourgeoise de Kolomna ; métier : servante dans le même hôtel de Mauritanie. Elle n’avait jamais passé en justice ; elle avait reçu copie de l’acte d’accusation. Il y avait dans les réponses de Botchkova une sorte de provocation hardie ; elle semblait vouloir dire : « Oui, Euphémie Botchkova, c’est bien moi, et j’ai reçu la copie, et je m’en flatte, et encore je ne donne à personne le droit d’en rire ». On n’eut pas à dire à Botchkova de s’asseoir, elle le fit dès que son interrogatoire fut terminé.

— Votre nom ? — dit le galant président, avec une douceur toute particulière, à l’autre accusée. — Il faut vous lever, — ajouta-t-il d’une manière affable, voyant que Maslova restait assise.

Maslova se leva d’un mouvement rapide, et, l’air soumis, la poitrine en avant, sans répondre, elle fixa le président de ses yeux noirs, rieurs, qui louchaient légèrement.

— Comment vous nomme-t-on ?

— Lubov, répondit-elle vivement.

À chaque interrogatoire des prévenus, Nekhludov, muni de son pince-nez, considérait celui qui en était l’objet. — « Mais, c’est impossible — », se