Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/13

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était désagréable. Il admirait la belle journée ; les nuages épais qui, s’assombrissant par instants, voilaient le soleil ; les champs où, partout, marchaient derrière leurs charrues des paysans qui labouraient ; les prés au-dessus desquels voltigeaient les alouettes ; les forêts revêtues déjà de frondaisons tendres ; les prairies où paissaient le bétail et les chevaux ; mais à chaque instant il se rappelait quelque chose de désagréable, et quand il se demandait quoi, le récit du cocher sur la manière dont l’Allemand gérait son bien, lui revenait à la mémoire.

Arrivé à Kouzminskoié, où il commença à s’occuper de régler ses affaires, Nekhludov oublia cette impression.

L’examen des livres du bureau et l’entretien avec le gérant, qui exposait naïvement les avantages résultant du fait que les paysans avaient très peu de terres, et encore, enclavées dans les terres seigneuriales, fortifièrent en Nekhludov sa résolution de céder entièrement ses terres aux paysans et de renoncer à l’exploitation du domaine. Par l’examen des livres et les récits de l’employé, il apprit que les deux tiers de ses meilleurs champs étaient, comme jadis, cultivés par des ouvriers, au moyen d’instruments perfectionnés, tandis qu’on donnait aux paysans cinq roubles par déciatine pour cultiver l’autre tiers, c’est-à-dire que, moyennant cinq roubles, le paysan s’engageait à