Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/14

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labourer trois fois, herser également trois fois et ensemencer une déciatine, puis à faucher, lier, battre, engranger, travail pour lequel un ouvrier eût demandé au moins dix roubles par déciatine. Et l’on faisait payer aux paysans un prix très élevé pour tout ce que leur fournissait le bureau. Ils payaient encore, par leur travail, le droit de passage dans les prés et les bois et pour les tiges sèches des pommes de terre, et, malgré cela, ils restaient toujours les débiteurs du propriétaire. Ainsi des terrains pour ainsi dire improductifs leur étaient loués, par déciatine, quatre fois ce qu’en aurait rapporté la vente à 5 pour 100.

Nekhludov savait cela auparavant ; mais aujourd’hui il lui semblait l’apprendre comme quelque chose de nouveau et il ne cessait de s’étonner de ce que lui et les propriétaires comme lui n’eussent pas vu combien cet état de choses était anormal. L’intendant lui démontrait que la terre une fois donnée aux paysans, tout le cheptel serait perdu et ne pourrait être vendu le quart de sa valeur ; les paysans gâcheraient la terre, bref Nekhludov perdait à une pareille transmission. Mais tous ces arguments affermissaient en Nekhludov la conviction qu’il ferait un beau geste en cédant ses terres aux paysans et en sacrifiant ainsi la majeure partie de son revenu. Aussi voulut-il en finir sur-le-champ. Dans ce but il chargea l’intendant de faire couper le blé, de le vendre, ainsi que les instruments et