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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/221

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seul endroit qui convienne à un honnête citoyen. Nekhludov pensait de même, surtout après son voyage à Pétersbourg et tout ce qu’il y avait vu et appris. « Oui, dans la Russie d’aujourd’hui, le seul endroit convenable pour un honnête homme, c’est la prison ! » se disait-il. C’était le sentiment qu’il éprouvait en approchant de la prison et en y pénétrant.

Le portier de l’infirmerie ayant reconnu Nekhludov, lui apprit aussitôt que Maslova n’était plus là.

— Et où est-elle ?

De nouveau en prison.

— Mais pourquoi ? demanda Nekhludov.

— Oh ! C’est une telle engeance, Votre Excellence ! répondit le portier avec un sourire méprisant. Elle faisait des siennes avec l’aide-chirurgien. Alors le médecin en chef l’a flanquée à la porte.

Nekhludov n’aurait pas cru que Maslova et ses sentiments lui tinssent tant à cœur. Cette nouvelle le stupéfia. Il ressentit un choc semblable à celui qu’on éprouve à l’annonce d’un grand malheur inattendu. Une cruelle souffrance l’envahit. Le premier sentiment que provoqua en lui cette nouvelle fut de la honte. Avant tout il se jugea ridicule avec son rêve joyeux sur sa rénovation morale. Toutes les paroles avec lesquelles elle avait repoussé son sacrifice, ses reproches, ses larmes, tout cela n’était, pensait-il, qu’une ruse