Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/31

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vieille déposa ses seaux et le salua avec ce même renversement de la tête.

Passé le puits, le village commençait. La journée était claire et chaude à dix heures, il faisait déjà lourd et les nuages qui se rassemblaient voilaient de temps en temps le soleil. Tout le long de la rue une odeur de fumier aigre, mais non désagréable, se dégageait des chariots grimpant la montée, et des tas, amassés dans les cours, dont les portes étaient grandes ouvertes. Derrière les chariots, les paysans, pieds nus, la chemise et le pantalon maculés de jus de fumier, regardaient ce grand et vigoureux seigneur, en chapeau gris, dont le ruban de soie miroitait au soleil, et qui montait la rue du village en frappant à chaque pas de sa canne noueuse à pommeau brillant. Les paysans, qui revenaient des champs, se remuaient sur le rebord de leurs chariots vides en ôtant leurs bonnets, et examinaient avec surprise cet homme extraordinaire qui marchait dans leur rue ; les femmes sortaient des portes charretières ou sur les perrons, et se le montraient et le suivaient des yeux. À la quatrième porte devant laquelle passa Nekhludov, il fut arrêté par la sortie de la cour de télègues chargées très haut de fumier tassé, avec une natte pour siège. Un gamin de six ans, en attendant d’y grimper, suivait derrière une télègue. Un jeune paysan en lapti marchait à grands pas, chassant des chevaux dans la rue. Un pou-