Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/32

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lain bleu, haut sur jambes, franchit la porte ; mais, effrayé à la vue de Nekhludov, se serrant contre le véhicule et se cognant les jambes aux roues, il courut vers sa mère, attelée à la lourde voiture, et qui eut un hennissement d’inquiétude. Un autre cheval était conduit par un vieillard maigre, encore vigoureux, pieds nus, en pantalon rayé avec une blouse longue et sale, dessinant par derrière, l’arête de son épine dorsale.

Quand enfin les chevaux se trouvèrent dans la rue semée de détritus de fumier desséché, le vieillard revint vers la porte et s’arrêta devant Nekhludov.

— Le neveu de nos demoiselles, sans doute ?

— Oui, oui.

— La bienvenue ; tu es donc venu nous voir ? continua le vieillard bavard.

— Oui, oui… Et vous, comment vivez-vous ? demanda Nekhludov. ne sachant que dire.

— Quelle vie la nôtre ! la plus mauvaise, répondit d’une voix chantante et en traînant, le vieillard bavard, qui semblait avoir plaisir à dire cela.

— Pourquoi mauvaise ? demanda Nekhludov en franchissant la porte charretière.

— Mais quelle vie est-ce ? Oui, des plus mauvaises, réitéra le vieillard en suivant Nekhludov sous l’auvent où le fumier avait été nettoyé. Nekhludov s’avança avec lui sous l’auvent.

— Voilà moi, j’ai douze âmes dans ma maison,