Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/76

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très excités. On entendit longtemps sur la route les éclats de leurs voix animées et sonores. Et bien avant dans la soirée, elles retentissaient encore le long de la rivière du village.


Le lendemain les paysans ne travaillèrent point mais discutèrent l’offre du propriétaire. La communauté était divisée en deux camps : l’un tenait pour avantageuse et sans risques la proposition du seigneur ; l’autre flairait là une ruse, dont ils ne pouvaient comprendre le mobile, ce qui la leur faisait particulièrement redouter. Cependant, le surlendemain, tous se mirent d’accord pour accepter les conditions proposées, et ils vinrent chez Nekhludov lui annoncer l’acceptation de la communauté. Ce consentement avait été enlevé grâce à l’opinion exprimée par une vieille femme, qui dissipait toute crainte de duplicité. La vieille donnait pour motif à cet acte que Nekhludov commençait à penser à son âme et agissait ainsi pour son salut. Cette explication était confirmée encore par les nombreuses aumônes faites à Panovo par Nekhludov, qui, pour la première fois de sa vie, voyait de près la misère qu’offre la vie des paysans. Frappé de cette pauvreté, bien que jugeant déraisonnable de se démunir ainsi d’argent, il ne pouvait s’empêcher de le donner, d’autant plus qu’à Kouzminskoïé il avait reçu une somme assez ronde pour un bois vendu l’année précé-