Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/83

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loin de lui, un militaire aux moustaches en pointe, au visage luisant, épanoui, qui, assis dans une voiture de remise, lui faisait un signe amical de la main et lui souriait en découvrant des dents d’une blancheur extraordinaire.

— Nekhludov ! Est-ce toi ?

La première impression de Nekhludov fut du plaisir.

— Tiens, Schenbok ! s’écria-t-il avec joie. Mais aussitôt il comprit qu’il n’y avait pas là matière à se réjouir.

C’était ce même Schenbok qui était venu jadis chez ses tantes. Nekhludov l’avait perdu de vue depuis longtemps, mais on lui avait dit que ce Schenbok, en dépit de ses dettes, après avoir quitté l’infanterie pour la cavalerie, continuait à vivre, par un moyen quelconque, sur le même pied que les gens riches. Sa mine satisfaite et épanouie confirmait ces racontars.

— Ah ! c’est heureux d’avoir mis la main sur toi ! Il n’y a plus personne en ville. Eh ! eh ! tu as vieilli, dit-il en descendant de voiture, et secouant ses épaules engourdies. C’est à ta démarche seulement que je t’ai reconnu. Eh bien ! on dîne ensemble ? Où trouve-t-on à manger convenablement chez vous ?

— Je ne sais si j’aurai le temps, répondit Nekhludov cherchant à se débarrasser de son camarade sans l’offenser. Et toi, que fais-tu ici ? lui demanda-t-il.