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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol4.djvu/103

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tiré : avec la mitrailleuse ou le canon ? Probablement du canon. Et voilà, on tire encore, et encore des soldats : cinq, six, sept soldats passent devant lui. Tout à coup, il eut la peur horrible d’être écrasé par eux. Il voulait crier qu’il n’était que touché, mais sa bouche était si sèche que sa langue se collait au palais ; une soif horrible le torturait. Comme si sa poitrine eût été mouillée, il sentait tout autour une sensation d’humidité. Ça lui rappelait l’eau, et même il voulait boire cette humidité : « Il est probable qu’en tombant, je me suis écorché jusqu’au sang, » pensa t-il ; et il craignait de plus en plus d’être écrasé par les soldats qui couraient devant lui. Il rassembla toutes ses forces. Il voulait crier : « Relevez-moi ! » Mais au lieu de cela, il gémit si horriblement, qu’il fut lui-même effrayé de s’entendre. Après, des feux rouges quelconques sautèrent devant ses yeux, il lui sembla que les soldats le couvraient de pierres. Les feux brillaient de plus en plus rarement, et les pierres qu’on mettait sur lui, l’écrasaient de plus en plus. Il fit un effort pour écarter les pierres, il s’allongea et ne vit déjà plus rien, n’entendit plus, cessa de penser et de sentir. Il avait été tué sur le coup par un éclat reçu en pleine poitrine.