Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol4.djvu/146

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VII

Nikolaïev, qui s’était fortifié à Douvanka de deux verres d’eau-de-vie achetée au soldat qui la débitait sur le pont, secouait les guides, la charrette cahotait sur la route pierreuse, ombragée par endroits, qui conduisait le long du Belbek à Sébastopol ; et les frères, côte à côte, bien que tout le temps ils pensassent l’un à l’autre, se taisaient obstinément.

« Pourquoi m’a-t-il offensé ? » pensait le cadet. « Ne pouvait-il se dispenser de me parler ainsi ? On aurait dit qu’il me prenait pour un voleur ; et même maintenant il a l’air fâché, de sorte que nous sommes fâchés pour toujours. Et comme ce serait bien d’être tous les deux à Sébastopol ! Deux frères amis, tous deux combattant l’ennemi : l’aîné, un soldat courageux bien que pas très instruit, l’autre jeune… mais aussi très brave… Dans une semaine, je leur montrerai à tous que je