Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol4.djvu/245

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filasse, étaient constamment inquiètes, comme s’il essayait de varier sans cesse son expression. Mais il n’y arrivait pas et sur son visage dominait surtout l’expression de la peur et de la hâte. Une écharpe de toile verte, masquée par sa pelisse, entourait son cou amaigri et veiné. La pelisse était usée, courte, garnie de peau de chien au col et aux fausses poches. Les pantalons étaient à carreaux couleur de cendre et les bottes de soldat à tiges courtes, non cirées.

— Ne vous dérangez pas, s’il vous plaît, lui dis-je, quand me regardant de nouveau timidement, il souleva son bonnet.

Il me salua avec une expression de reconnaissance, remit son bonnet et tirant de sa poche une blague à tabac, aux cordons malpropres, il se mit à rouler une cigarette.

Moi-même, il n’y a pas longtemps j’étais aussi junker, un vieux junker incapable d’être déjà naïvement empressé pour un camarade cadet, j’étais un junker sans fortune, c’est pourquoi, sachant bien toute la peine morale de cette situation pour un homme jeune et ambitieux, je compatissais à tous oeux qui étaient en pareille situation, je tâchais de m’expliquer leur caractère, le degré et les tendances de leur intelligence pour juger d’après cela de leur souffrance morale. Ce junker, ou dégradé à en juger par son regard inquiet et par ce changement voulu et constant d’expression du visage,