— Tu ferais perdre patience à un saint, Nikita, — dit-il d’une voix douce. — Cette lettre est pour mon père, laisse-la comme ça sur la table, et n’y touche pas, ajouta-t-il en rougissant.
— J’obéis, — fit Nikita, ému sous l’influence du vin, bu comme il le disait de son argent ; avec une envie de pleurer évidente, il battait des paupières.
Quand, sur le perron, le capitaine en second lui dit : « Adieu, Nikita, » Nikita, tout à coup, éclata en sanglots et se jeta sur la main de son maître, qu’il baisa. « Adieu, seigneur », fit-il en sanglotant. La vieille femme du matelot qui était sur le perron, en vraie femme, ne pouvait se retenir de prendre part à cette scène sentimentale. Elle se mit à essuyer ses yeux avec sa manche sale, et à dire quelque chose en ce genre : on aime les maîtres et voilà comme on souffre pour eux, et qu’elle était une pauvre femme restée veuve, et pour la centième fois racontait ses malheurs à Nikita, ivre. Elle disait comment son mari avait été tué au premier bombardement, sa maisonnette toute détruite (celle qu’elle habitait ne lui appartenait pas), etc. Après le départ de son maître, Nikita alluma sa pipe, demanda à la fillette de la propriétaire d’aller chercher de l’eau-de-vie et cessa vite de pleurer et, au contraire, se disputa avec la vieille au sujet d’un petit seau qu’il l’accusait d’avoir cassé.
« Peut-être ne serai-je que blessé », raisonnait