Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol4.djvu/75

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— Ce qu’il y avait ? Leur force, Votre Seigneurie s’est approchée, a grimpé sur les remparts, et c’est fini. Ils ont tout écrasé, Votre Seigneurie.

— Comment, ils ont écrasé ? Mais vous les avez repoussés ?

— Comment ?… repoussés, quand toute sa force s’approchait. Il a écrasé tous les nôtres et on ne porte pas secours.

Le soldat se trompait puisque nous occupions la tranchée. Mais c’est une bizarrerie que chacun peut remarquer : le soldat blessé considère toujours l’affaire comme perdue et horriblement sanglante.

— Mais comment ! On a dit qu’on l’avait repoussé — dit avec dépit Galtzine. — Peut-être les a-t-on repoussés après ton départ. Y a-t-il longtemps que tu es là ?

— J’arrive tout à l’heure, Votre Seigneurie, — répondit le soldat. — C’est peu probable. La tranchée a dû rester à lui… Il a tout à fait pris le dessus.

— Eh ! Comment n’avez-vous pas honte d’avoir rendu la tranchée ? C’est terrible ! — dit Galtzine, attristé de cette indifférence.

— Que faire contre la force ? — murmura le soldat.

— Eh ! Votre Seigneurie ! — prononça alors un soldat étendu sur le brancard. — Comment ne pas se rendre quand il a écrasé presque tout ! Si nous avions eu la force, jamais de la vie nous ne nous serions rendus. Mais comme ça, que faire ?