Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol5.djvu/172

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prononça quelque chose en son patois allemand, que je ne pouvais comprendre, et qui suscita le rire de la foule qui l’entourait.

— Que dit-il ? — demandai-je.

— Il dit que sa gorge est sèche et qu’il boirait du vin avec plaisir, — me traduisit le valet qui était près de moi.

— Ah, il aime sans doute à boire ?

— Bah ! tous ces gens sont comme ça, — répondit le valet en souriant et faisant un geste de la main dans la direction du chanteur.

Celui-ci ôtait son chapeau et faisait la quête ; avec sa guitare il s’approcha de l’hôtel. La tête levée il s’adressa aux messieurs des fenêtres et des balcons.

— « Messieurs et mesdames, — dit-il avec un accent demi italien, demi allemand, et avec l’intonation des magiciens s’adressant au public.

— « Si vous croyez que je gagne quelque chose vous vous trompez, je ne suis qu’un pauvre tiaple. » Il s’arrêta, se tut un moment, mais comme personne ne lui donnait rien il reprit de nouveau la guitare et dit : « À présent, messieurs et mesdames, je vous chanterai l’air du Righi. » En haut, le public se taisait mais restait debout, attendant une autre chanson. En bas, dans la foule, on riait, probablement parce qu’il s’exprimait si étrangement et peut-être aussi parce qu’on ne lui avait rien donné. Je lui glissai quelques