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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol5.djvu/183

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— Et là-bas, les messieurs sont-ils plus généreux ? continuai-je, désirant lui faire partager ma colère contre les hôtes de Schweizerhof. Là-bas arrive-t-il comme ici que, dans un grand hôtel où viennent des richards, cent personnes écoutent ces artistes sans leur rien donner ?


Ma question ne produisit pas du tout l’effet attendu. Il ne pensait pas même à s’indigner contre eux, mais dans mon observation, il vit un reproche à son talent qui n’était pas digne de récompense et il essaya de se justifier devant moi.

— Ce n’est pas chaque fois qu’on reçoit beaucoup, répondit-il. Et puis, la voix se perd, se fatigue ; aujourd’hui j’ai marché pendant neuf heures et j’ai chanté presque toute la journée. C’est difficile et les grands personnages, les nobles parfois ne veulent même pas écouter les chanteurs tyroliens.

— Cependant, comment ne rien donner ! répétai-je.

Il ne comprit pas mon observation.

— Pas ça, dit-il. Ici on est surtout très serré par la police. Ici, selon les lois de la république, on ne permet pas de chanter, et en Italie, vous pouvez marcher tant que vous voulez, personne ne vous dit un mot. Ici, si l’on veut vous permettre, c’est bien, sinon on peut vous mettre en prison.

— Comment ! Est-ce possible ?