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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol5.djvu/195

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ont tué encore un millier de Chinois parce que ceux-ci n’achètent rien et accaparent l’or ; ce fait que les Français ont tué encore un millier de Kabyles parce que le blé pousse bien en Afrique et que la guerre incessante est très utile pour former les troupes ; ce fait qu’un Juif ne peut être ambassadeur à Naples, et que l’empereur Napoléon s’est promené à pied à Plombières et a affirmé au peuple qu’il ne régnait que par la volonté nationale, tout cela, ce sont des mots qui cachent ou montrent ce qui est connu depuis longtemps. Mais le fait qui se passa à Lucerne, le 7 juillet, me semble tout à fait neuf, étrange, il est moins en rapport avec le côté éternellement mauvais de la nature humaine qu’avec une certaine période du développement de la société. C’est un fait non pour l’histoire des actes humains, mais pour l’histoire du progrès de la civilisation.

Pourquoi ce fait inhumain, impossible en aucune ville allemande, française ou italienne, est-il possible ici, où la civilisation, la liberté et l’égalité sont le plus élevées, où se réunissent les hommes les plus civilisés des nations les plus civilisées ? Pourquoi ces hommes intelligents, humains, capables, en général, pour toute œuvre honnête et humaine, n’ont-ils pas de sentiment cordial, humain pour une œuvre bonne, personnelle ? Pourquoi ces hommes qui, dans leurs Chambres, meetings, sociétés, se soucient vivement de l’état