l’hiver nous ne sortions nulle part. Nous avions rarement des visiteurs, et si quelqu’un venait, il n’apportait ni la gaîté, ni la joie dans notre maison. Tous prenaient des visages tristes, comme s’ils eussent eu peur d’éveiller quelqu’un ; ils ne riaient pas, soupiraient et souvent pleuraient en me regardant et surtout en regardant la petite Sonia dans sa robe noire. On eût dit que dans la maison la mort était encore présente. La tristesse et l’horreur de la mort étaient dans l’air. La chambre de maman était fermée ; j’avais le frisson et quelque chose me poussait à jeter un coup d’œil dans cette chambre froide et vide quand je passais devant pour aller me coucher.
J’avais alors dix-sept ans, et l’année même de sa mort, maman avait voulu s’installer à la ville pour me sortir. La perte de maman m’avait frappée d’une profonde douleur, mais je dois avouer que, malgré cette douleur, je sentais aussi que j’étais jeune, belle, — tous le disaient, — et que depuis deux hivers je languissais en vain à la campagne. Avant la fin de l’hiver ce sentiment d’ennui, de solitude, de tristesse, tout simplement, grandissait à un tel point que je ne sortais plus de ma chambre, que je ne jouais plus du piano et ne prenais pas un livre. Quand Katia m’exhortait à m’occuper de telle ou telle chose, je répondais que je ne voulais pas, que je ne pouvais pas. Et en mon âme je pensais : « Pourquoi, pourquoi faire