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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol5.djvu/231

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racines du vieux tilleul, un pavillon pour ses poupées.

La journée était chaude, sans vent, orageuse, les nuages se rejoignaient, noircissaient et, depuis le matin, un orage se préparait. Comme toujours avant l’orage, j’étais nerveuse. Mais après midi les nuages commencèrent à se disperser, le soleil parut sur le ciel pur, le tonnerre s’entendit d’un côté seulement ; et le nuage épais qui, au fond de l’horizon, se confondait avec la poussière des champs, de temps en temps était coupé par les zigzags pâles de la foudre, qui descendaient jusqu’à terre.

Il était clair que l’orage ne serait pas pour aujourd’hui, au moins chez nous. Sur la route qu’on apercevait par endroits, derrière le jardin, de hauts chariots grinçants, chargés de bottes de paille, se traînaient lentement sans interruption ; à leur rencontre venaient rapidement, avec bruit, des chariots vides où se tenaient des paysans dont les jambes vacillaient et dont les chemises s’enflaient.

La poussière épaisse ne se mouvait pas mais restait immobile derrière la claie entre les feuillages transparents des arbres du jardin. Plus loin, dans la grange, on entendait les mêmes voix, les mêmes grincements des roues, et les mêmes bottes jaunes défilaient lentement devant la haie ; là, volaient en l’air, et à vue d’œil, grossissaient les meules dont on apercevait le toit aigu, et les moujiks qui s’y remuaient. Plus loin, sur le champ