Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol5.djvu/243

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tié de l’ombre du toit, des piquets et de la tente de la terrasse tombait obliquement en raccourci sur l’allée sablée et sur le gazon. Tout le reste était clair et couvert de rosée, argentée par la lumière de la lune. La large allée fleurie où d’un bout à l’autre tombaient obliquement les ombres des dahlias et de leurs tuteurs, toute claire et froide, avec des cailloux inégaux, brillants, se perdait dans la brume et le lointain. À travers les arbres on apercevait le toit clair de l’orangerie, et du coin s’élevait un brouillard croissant ; quelques massifs de lilas, déjà nus, étaient clairs jusqu’aux branches. On pouvait distinguer l’une de l’autre toutes les fleurs humides de rosée. Dans les allées l’ombre et la lumière se confondaient de telle sorte qu’on n’aurait pas dit des allées mais des maisons transparentes, mobiles et vacillantes.

À droite, dans l’ombre de la maison, tout était noir, indistinct, effrayant. Mais par contre, dans ces ténèbres, paraissait encore plus clair le sommet fantastique, large, d’un peuplier qui se dressait étrangement non loin de la maison, en haut, dans la lumière vive et ne s’enfuyait pas quelque part là-bas, loin, dans le ciel bleu, profond.

— Allons nous promener un peu, — dis-je.

Katia consentit et me dit de prendre mes galoches.

— Inutile, Katia ! Sergueï Mikhaïlovitch me donnera son bras.

Comme si cela pouvait m’empêcher de me