Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol5.djvu/294

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et calme quand moi je ressentais du dépit et quelque chose comme du repentir.

— Macha ! qu’as-tu ? — dit-il. — Il ne s’agit pas de savoir si j’ai raison, ou si c’est toi, mais de tout autre chose : qu’as-tu contre moi ? Ne parle pas d’un coup, réfléchis et dis-moi tout ce que tu penses, tu es mécontente de moi et sûrement tu as raison, mais laisse-moi comprendre en quoi je suis coupable.

Mais comment pouvais-je lui ouvrir mon âme ?

Ce fait qu’il m’avait comprise si bien, tout d’un coup, que j’étais de nouveau une enfant devant lui, que je ne pouvais rien faire qu’il ne le vît et me prévînt, m’émouvait encore plus.

— Je n’ai rien contre toi, — dis-je — tout simplement je m’ennuie et je ne veux pas m’ennuyer ; mais tu dis qu’il le faut ainsi et de nouveau tu as raison ! — Et je le regardai.

J’avais atteint mon but, son calme disparut, la crainte et l’émotion étaient sur son visage.

— Macha, — fit-il d’une voix basse, émue, — ce ne sont pas des plaisanteries que nous faisons maintenant. C’est notre vie qui se décide. Je te demande de ne rien répondre et de m’écouter. Pourquoi veux-tu me tourmenter ?

Mais je l’interrompis.

— Je sais que tu auras raison, mieux vaut ne pas parler, tu as raison, — dis-je comme si ce n’était pas moi, mais un esprit méchant qui parlait en moi.