Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol5.djvu/299

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de jadis : c’était donc de l’enfantillage, et maintenant, c’était la vraie vie ! Et que n’adviendra-t-il pas encore ? — pensais-je. L’inquiétude et l’ennui incessant qui me troublaient à la campagne, disparaissaient tout à coup comme par enchantement. Mon amour pour mon mari devenait plus calme ; ici, jamais je ne songeais à me demander s’il m’aimait ou non. Et je ne pouvais douter de son amour. Chacune de mes pensées était aussitôt comprise, chacun de mes sentiments partagé, chaque désir rempli par lui. Son calme ici disparut ou du moins ne m’agaçait plus. De plus, je sentais qu’outre son amour ancien pour moi, ici il m’admirait. Souvent, après une visite, après une nouvelle connaissance, après une soirée chez nous où, tremblant intérieurement de la peur de me tromper je remplissais les fonctions de maîtresse de maison, il disait : « Eh ! ma petite ! Bravo ! N’aie pas peur. C’est vraiment bien ! » Et j’étais très heureuse.

Bientôt après notre arrivée, il écrivit à sa mère et quand il m’appela pour ajouter quelques mots, il ne voulut pas me laisser lire sa lettre ; à cause de cela sans doute, je l’exigeai et lus : « Vous ne reconnaîtriez pas Macha, et moi-même ne la reconnais pas. D’où a-t-elle pris ce charme, cette grâce, cette assurance, cette affabilité, même cet esprit et ce charme mondains ? Et chez elle tout cela est simple, charmant, plein de naturel. Tous sont en-