Aller au contenu

Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol5.djvu/298

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sances dont il ne m’avait jamais parlé, et souvent j’étais étonnée et peinée d’entendre dans sa bouche des jugements sévères touchant quelques-unes de ces personnes qui me semblaient si bonnes, et je ne pouvais comprendre la froideur de son attitude envers elles et ses soins à éviter beaucoup de connaissances qui me semblaient flatteuses. Je pensais qu’il était bon de connaître le plus de braves gens possibles, et tous me semblaient bons.

— Vois-tu, quand nous serons bien installés là-bas voici comment nous nous arrangerons, — me disait-il avant notre départ de la campagne. — Ici nous sommes de petits Crésus, mais là-bas, nous ne serons pas du tout riches, c’est pourquoi nous ne pourrons rester en ville que jusqu’à Pâques et il nous faudra renoncer à aller dans le monde, autrement nous nous enfoncerions. Et pour toi je ne voudrais pas…

— Pourquoi le monde ? — avais-je dit — nous irons seulement au théâtre, nous verrons les parents, nous entendrons l’Opéra et la bonne musique, et bien avant Pâques nous serons de retour à la campagne.

Et aussitôt arrivés à Pétersbourg, ces plans étaient oubliés. Je me trouvais tout d’un coup dans un monde nouveau, heureux ; tant de joie me grisait, des intérêts si nouveaux se montraient à moi que d’un coup, bien qu’inconsciemment, je reniais tout mon passé et toutes mes résolutions