Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol5.djvu/51

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à gauche ; Aliocha prouvait que nous retournions simplement sur nos pas.

De nouveau, nous nous arrêtions de temps en temps, le postillon dégageait ses longues jambes et allait chercher la route.

Mais tout cela était en vain. Une fois aussi, j’allai regarder si ce que j’apercevais n’était pas une route, mais à peine, avec efforts, eus-je fait six pas contre le vent, me convainquant que les mêmes couches monotones, blanches étaient partout et que la route n’était qu’un produit de mon imagination, que je n’aperçus plus le traîneau. Je criai : « Postillon ! Aliochka ! » Mais j’eus l’impression que le vent prenait ma voix droit de ma bouche et l’emportait instantanément quelque part loin de moi. Je suis allé où était le traîneau, il n’y était plus. J’allai à droite, rien. J’ai honte à me rappeler de quelle voix haute, perçante, même un peu désespérée, je criai de nouveau : « postillon », tandis qu’il était à deux pas de moi. La personne noire avec le fouet et l’énorme bonnet mis de travers, surgit tout à coup devant moi. Il me conduisit au traîneau.

— Il faut encore remercier le ciel qu’il fasse doux, — dit-il. — S’il gelait ce serait un malheur, Seigneur Jésus !

— Laisse les chevaux, qu’ils nous ramènent, — dis-je en m’installant dans le traîneau. — Ils nous ramèneront, hein, postillon ?