Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol6.djvu/142

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ville faire ses adieux à son mari ! Le vieux paraissait particulièrement sévère. Il mit son caftan neuf, sa ceinture, et, avec tout l’argent d’Ilitch dans son gousset, il partit chez Egor Mikhaïlovitch.

— Plus vite que ça ! cria-t-il à Ignate qui plaçait les roues sur l’axe soulevé et graissé. — Je reviens tout de suite. Que tout soit prêt !

Le gérant, qui venait de se lever, buvait du thé et se préparait à aller en ville pour enregistrer lui-même les recrues.

— Que veux-tu ? demanda-t-il.

— Egor Mikhaïlovitch, je veux racheter le garçon. Faites-moi la grâce. Dernièrement, vous avez dit que vous connaissiez en ville un remplaçant. Conseillez-moi. Moi je ne connais rien.

— Quoi ! As-tu réfléchi ?

— J’ai réfléchi, Egor Mikhaïlovitch. Il est à plaindre : c’est le fils de mon frère. Quel qu’il soit, c’est toujours triste. Cet argent est cause de bien des péchés ! Fais-moi la grâce, donne-moi un conseil, dit-il en saluant très bas.

Comme toujours en pareil cas, Egor Mikhaïlovith, silencieux, se mordit longtemps les lèvres, et, après avoir réfléchi, écrivit deux billets et expliqua ce qu’il fallait faire en ville.

Doutlov rentra chez lui. La jeune femme était déjà partie avec Ignate, et la jument grise, grosse, était attelée et attendait à la porte cochère. Il arracha une branche de la haie, s’enveloppa dans son