Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol6.djvu/149

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ment en secouant les épaules, puis, brusquement, il se soulevait et s’abaissait sur les pointes et se mettait à danser en prissiatka. Les gamins riaient ; les femmes secouaient la tête ; les hommes souriaient et approuvaient.

Un vieux sous-officier se tenait immobile près du danseur. Il semblait dire : « Ça vous étonne, mais moi, il y a longtemps que je connais cela. » Le joueur de balalaïka était visiblement fatigué. Il regardait nonchalamment autour de lui en prenant un accord faux. D’un coup il frappa la caisse et la danse cessa.

— Eh ! Aliocha ! dit le joueur de balalaïka au danseur, en lui désignant Doutlov. — Voilà le parrain ?

— Oui ? Eh ! mon cher ami ! — cria Aliocha, cette même recrue achetée par Doutlov, et qui, les jambes fatiguées, s’était assis et, la tête soulevée, buvait à même une bouteille d’eau-de-vie.

Il s’avança vers la charrette : — Michka, un verre ! Patron, mon cher ami ! en voilà une joie ! — s’écria-t-il en jetant sa tête ivre sur le chariot, et il se mit à régaler d’eau-de-vie et les hommes et les femmes. Les paysans burent, les femmes refusèrent.

— Mes amis ! quel cadeau je vais vous faire ! — dit Aliocha en embrassant les vieilles.

Une marchande était dans la foule, Aliocha s’approcha de son éventaire et jeta tout dans la charrette.