Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol6.djvu/181

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haras plein des belles de ce temps. Ça vous semble étrange de penser et de croire que j’étais jeune et vif, mais c’était ainsi…

Là se trouvait cette même Viazopourikha, qui était alors une poulaine d’un an, une petite poulaine charmante, gaie, vive, et, soit dit sans l’offenser, bien qu’elle ne soit pas maintenant considérée comme une rareté, par le sang, elle était alors parmi les pires. Elle même vous le dira.

Mon bariolage, qui déplaisait tant aux hommes, plaisait beaucoup à tous les chevaux.

Tous m’entouraient, m’admiraient et jouaient avec moi. Je commençais à oublier la parole des hommes sur mon tatouage et me sentais heureux. Mais bientôt j’éprouvais une première douleur et ma mère en était la cause. Quand déjà, la neige commençait à fondre, que les moineaux pépiaient sur les auvents, que dans l’air le printemps commençait à se faire sentir fortement, les relations entre ma mère et moi changèrent.

Son caractère était méconnaissable. Tantôt, sans aucune cause, elle se mettait à jouer en courant dans la cour, ce qui n’allait point du tout à son âge respectable ; tantôt elle demeurait pensive, et se mettait à s’ébrouer ; tantôt elle battait, mordait ses sœurs ; tantôt elle me flairait en hennissant, mécontente ; tantôt elle allait au soleil, posait sa tête sur l’épaule de sa cousine germaine Kouptchikha, et longtemps, pensivement, lui grattait le dos et