Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol6.djvu/19

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Le mari resta un instant près du coupé qui rentra au relais. Matriocha, bondissant de la voiture, courut dans la boue sur la pointe des pieds, jusqu’à la porte cochère.

— Si je me sens mal, ce n’est pas une raison pour que vous ne déjeuniez pas, dit la malade, avec un faible sourire, au docteur qui se tenait près de la portière.

« Aucun d’eux ne s’intéresse à moi, » — se dit-elle pendant que le docteur qui s’éloignait, gravissait rapidement les marches du relais. « Ils vont bien, alors tout leur est égal ; oh ! mon Dieu ! »

— Eh bien ! Édouard Ivanovitch, dit le mari en allant au-devant du docteur et se frottant les mains avec un sourire gai. — J’ai ordonné d’apporter la cantine, qu’en pensez-vous ?

— Ça ira, — répondit le docteur.

— Eh bien ! comment va-t-elle ? — demanda le mari en soupirant, baissant la voix et soulevant les sourcils.

— J’ai dit qu’elle ne pourrait supporter le voyage jusqu’en Italie, mais Dieu veuille qu’elle aille jusqu’à Moscou, surtout par un pareil temps !

— Que faut-il donc faire ? Ah mon Dieu, mon Dieu ! — Le mari se cacha les yeux avec la main. — Donne ! — fit-il au valet qui apportait la cantine.

— Il fallait rester, — prononça le docteur en haussant les épaules.