Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol6.djvu/210

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chaîne de montre pendaient des breloques grandes et chères. Les boutons de manchettes étaient grands aussi, en or, ornés de turquoises. Il portait la barbe à la Napoléon III, et la pointe de ses moustaches était pommadée et dressée comme on pouvait le faire seulement à Paris.

La maîtresse avait une robe de soie à grosses fleurs bariolées. De grosses épingles d’or retenaient d’épais cheveux blonds, pas tous à elle ; ses mains étaient chargées de bracelets et de bagues très chers.

Le samovar était en argent ; le service très fin. Le valet, éblouissant, en habit, gilet blanc, cravate neuve, se tenait près de la porte, comme une statue, en attendant des ordres. Le meuble était courbé et clair, le papier foncé à grosses fleurs. Autour de la table, une levrette excessivement fine, qu’on appelait d’un nom anglais prétentieux, très mal prononcé par les maîtres qui ne savaient pas l’anglais, faisait du bruit près de la table, avec son collier en argent. Dans un coin, garni de plantes, était placé un piano incrusté. On voyait en tout le luxe neuf et rare. Tout était très bien, mais il y avait sur tout un cachet de superflu, de richesse, et d’absence d’intérêt intellectuel.

Le maître du logis, un amateur de chevaux de courses, était fort et sanguin, un de ces hommes dont l’espèce existe toujours, qui portent des pelisses de zibeline, jettent aux actrices des fleurs