Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol6.djvu/257

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sager, sur la santé et le temps, mais commençait ex abrupto à annoncer avec enthousiasme l’heureux retour du célèbre décembriste.

Le petit vieux, qui essayait toujours en vain de pousser la boule blanche, devait, selon Pakhtine, être particulièrement heureux de la nouvelle.

Il s’approcha de lui.

— Vous jouez bien, Votre Haute Excellence ! dit-il pendant que le petit vieux lançait sa queue dans le gilet rouge du marqueur, en exprimant par cela son désir qu’il y mît de la craie. « Votre Haute Excellence » n’était point dit par flatterie, comme on pourrait le penser (non, ce n’était pas à la mode en 1850 ; Ivan Pavlovitch appelait le petit vieux simplement par son prénom et celui de son père) ; mais c’était dit ou pour railler ceux qui s’exprimaient ainsi, ou pour montrer, en plaisantant, que l’on savait à qui l’on parlait. C’était dit un peu au sérieux, en général c’était très fin.

— J’ai appris tout à l’heure… Piotr Labazov est arrivé. Il vient tout droit de Sibérie avec toute sa famille.

Pakhtine prononçait ces paroles juste au moment où le petit vieux manquait sa bille. Il n’avait pas de chance.

— S’il est revenu aussi fou qu’il est parti, il n’y a pas de quoi s’en réjouir, — répondit le petit vieux d’un air sombre, irrité qu’il était par sa malchance