Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol6.djvu/271

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on vous pardonnera tout, et il vous semble étrange que les gens de la rue ne fêtent pas comme vos familiers. Les sons vous paraissent plus sonores, les couleurs plus vives ; en un mot, c’est le sentiment du jour de fête. C’est ce qu’éprouvait Piotr Ivanovitch en revenant de l’église.

Le colportage d’hier, de Pakhtine, n’était pas perdu.

Au lieu de jouets, Piotr Ivanovitch trouvait à la maison quelques cartes de visite de personnes importantes de Moscou qui, en 56, croyaient de leur devoir absolu de montrer le plus d’attention possible au célèbre exilé qu’ils n’auraient voulu voir pour rien au monde, trois ans avant. Aux yeux de Chevalier, du portier, des garçons d’hôtel, les voitures qui venaient le matin pour Piotr Ivanovitch, décuplèrent leur respect et leur amabilité. Tout cela était pour Piotr Ivanovitch les cadeaux de fête. En dépit de l’expérience de la vie, en dépit de l’intelligence, l’expression de respect de la part des gens respectés par le grand nombre fait toujours plaisir à l’homme. Piotr Ivanovitch avait la joie dans l’âme quand Chevalier, en s’inclinant, lui proposa un autre appartement, lui demanda d’ordonner tout ce qui lui plairait et lui affirma qu’il était heureux de posséder un tel hôte que Piotr Ivanovitch, et quand il regarda les cartes de visite et les remettant dans le plateau, prononçait les noms du comte S…, du prince D…, etc.