Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol7.djvu/104

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marcha derrière eux et appela près d’elle Boris.

« Boris, venez ici, » dit-elle d’un air important et rusé. « J’ai quelque chose à vous dire. Ici, ici ». Elle le conduisit dans la serre, parmi les caisses, à l’endroit où tout à l’heure, elle était cachée. Boris, souriant, marchait derrière elle.

— Quelle est donc cette chose ? demanda-t-il.

Elle devint confuse, regarda autour d’elle, et apercevant sa poupée, restée sur la caisse, elle la prit dans ses mains.

— Embrassez la poupée, fit-elle.

Boris, d’un regard étonné, tendre, regarda son visage animé et ne répondit rien. — Eh bien, vous ne voulez pas ? Alors, venez ici. Et s’enfonçant encore plus dans les caisses, elle jeta sa poupée. Plus près, plus près, chuchotait-elle. Elle saisit le bras de l’officier ; sur son visage empourpré se lisaient la solennité et la peur.

— Et moi, voulez-vous m’embrasser ?… murmura-t-elle, très bas, en le regardant en dessous et souriant et pleurant presque d’émotion.

Boris rougit. — Comme vous êtes drôle, dit-il en s’inclinant vers elle et rougissant encore plus, mais n’entreprenant rien et attendant.

Elle sauta d’un bond sur une caisse, de sorte qu’elle se trouva aussi haute que lui. L’entourant de ses deux bras nus, minces, qui se pliaient ainsi au-dessus de son cou, d’un mouvement de tête elle rejeta en arrière ses cheveux et l’embrassa sur les lèvres.