seulement nos aïeux parlaient mais dans lequel ils pensaient, et avec ces intonations douces, protectrices, qui sont propres à un homme important vieilli dans le monde et à la Cour. Il s’approcha d’Anna Pavlovna, baisa sa main en lui tendant son crâne parfumé et luisant, et, tranquillement, s’assit sur le divan :
— Avant tout, dites-moi comment vous allez, chère amie ? Rassurez l’ami — dit-il sans changer de voix et d’un ton dans lequel, derrière les convenances et la sympathie, perçait l’indifférence et même la moquerie.
— Comment peut-on se bien porter quand le moral souffre ?… Peut-on rester calme, en notre temps, quand on a du cœur ? — répondit Anna Pavlovna. — J’espère que vous êtes chez moi pour toute la soirée ?
— Et la fête de l’Ambassadeur d’Angleterre ? C’est aujourd’hui mercredi. Je dois y paraître — dit le prince, — ma fille passera me prendre ici.
— Je pensais que la fête d’aujourd’hui était ajournée. Je vous avoue que toutes ces fêtes et tous ces feux d’artifice commencent à devenir insipides.
— Si l’on avait su que vous le désiriez, on eût ajourné cette fête — fit le prince, qui par habitude, comme une montre remontée, disait des choses auxquelles il ne voulait même pas qu’on crût.