Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol7.djvu/189

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mois avant quand le comte l’avait envoyé à Pétersbourg, mais elle retombait inerte aux pas hésitants des porteurs, et le regard froid, vague, ne savait sur quoi s’arrêter.

Il se fit un moment de tapage autour du grand lit ; les hommes qui portaient le malade s’éloignèrent ; Anna Mikhaïlovna toucha la main de Pierre et lui dit : « Venez. » Avec elle, Pierre s’approcha du lit, où, dans une pose défaite qui évidemment avait quelque rapport avec le sacrement qui venait de se donner, était couché le malade.

Il était couché, la tête soulevée par des oreillers, ses mains placées symétriquement sur la couverture de soie verte. Quand Pierre s’approcha, le comte le regarda fixement, mais de ce regard dont l’homme ne peut comprendre ni le sens, ni l’importance. Ou ce regard ne signifiait rien du tout, sauf : tant qu’on a des yeux, il faut regarder quelque part ; ou il signifiait beaucoup trop.

Pierre s’arrêta, ne sachant ce qu’il devait faire, et avec un air interrogateur, il se tourna vers son guide, Anna Mikhaïlovna. Celle-ci lui fit un signe rapide des yeux, en montrant la main du malade, et en faisant le geste d’y appliquer un baiser. Pierre, en tendant soigneusement le cou, pour ne pas accrocher la couverture, suivit le conseil et s’appuya sur la main large et potelée. Mais ni la main, ni un seul muscle du comte ne bougea. De