Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol7.djvu/246

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— Il était inutile de me dire cela, père, — répondit le fils en souriant.

Le vieux se tut.

— Je voulais encore vous demander, — reprit le prince André, — dans le cas où je serais tué, si j’ai un fils, gardez-le près de vous, comme je vous l’ai dit hier ; qu’il soit élevé chez vous, je vous en prie.

— Ne pas le laisser à ta femme, — fit le vieillard en riant.

Ils étaient face à face, silencieux. Les yeux mobiles du vieux fixaient ceux du fils ; quelque chose tremblait dans la partie inférieure du visage du vieux prince.

— Nous nous sommes dit adieu… va ! — dit-il tout à coup. — Va ! — cria-t-il d’une voix fâchée en ouvrant la porte du cabinet.

— Qu’y a-t-il, quoi ? — demanda la princesse Marie, en apercevant le prince André et le vieillard qui criait comme s’il était en colère et se montrait dans sa robe de chambre blanche, sans perruque et avec ses lunettes de vieillard.

Le prince André soupira et ne répondit rien.

— Eh bien, — dit-il en s’adressant à sa femme, et ce « eh bien ! » sonnait moqueur, froid, et semblait dire : « Faites toutes vos grimaces. »

André, déjà, — dit la petite princesse en pâlissant et regardant avec crainte son mari. Il l’embrassa. Elle poussa un cri, et tomba évanouie sur son épaule.