Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol7.djvu/266

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Qui donc a dit que Koutouzov était borgne ?

— Quoi, n’est-il pas borgne ?

— Non, mon cher, il voit mieux que toi. Les godillots et les talons, il a tout regardé…

— Quand il m’a regardé les jambes, mon cher, eh bien ! pensai-je…

— Et l’autre, l’Autrichien qui était avec lui, il avait l’air barbouillé de craie, blanc comme de la farine. Je m’imagine comment on nettoie les uniformes, là-bas !

— Quoi, Fédéchoï !… a-t-il dit, quand commencera la bataille, tu étais plus près ? On a dit tout le temps que Bounaparte en personne se trouve à Braunau.

— Bounaparte, sot, tu mens ! Tu ne sais rien ! Maintenant c’est la Prusse qui se révolte. L’Autriche, elle, elle écrase la révolte. Quand ils s’entendront, alors on commencera la guerre contre Bounaparte ! Et voilà, toi, tu dis qu’à Braunau, Bounaparte, quel sot ! Tu ferais mieux d’écouter ce qu’on dit.

— Au diable le fourrier ! La cinquième compagnie tourne déjà dans le village, ils prépareront leur souper et nous n’arriverons pas encore à nos logements.

— Donne-moi du biscuit, diable !

— Et toi, hier, m’as-tu donné du tabac ? Voilà, mon cher, eh bien ! prends, et que Dieu t’aide.