Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol7.djvu/327

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« Oui, c’est ça » pensa Rostov, « il veut m’éprouver ». Son cœur se serrait, le sang lui montait au visage. « Soit, il verra que je ne suis pas un poltron. »

De nouveau, sur tous les visages gais des soldats de l’escadron, parut le trait sérieux qui s’y montrait quand ils étaient sous les obus. Rostov regardait sans baisser les yeux le colonel, son adversaire, avec le désir de trouver sur son visage la confirmation de ses suppositions. Mais le colonel ne se tourna pas une seule fois vers Rostov et, comme toujours, dans le rang, il regardait fièrement et solennellement. On attendait le commandement.

— Vite, vite ! criaient autour de lui quelques voix. En accrochant leurs sabres dans les guides, avec un bruit d’éperons et en se hâtant, les hussards descendaient de cheval, ne sachant pas eux-mêmes ce qu’ils allaient faire. Les hussards se signèrent. Déjà Rostov ne regardait plus le colonel, il n’en avait pas le temps. Il avait peur, le cœur lui battait de la crainte que les hussards ne fussent en retard. Sa main trembla quand il donna son cheval au soldat, et il sentait comment, par saccades, son sang affluait au cœur. Denissov, en criant quelque chose, passa devant lui.

Rostov ne voyait rien, sauf les hussards qui couraient autour de lui en s’accrochant avec leurs éperons et faisant un bruit de sabres.

— Brancard ! — cria une voix derrière lui. —