Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol7.djvu/435

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— Eh bien, Matvévna, notre mère, montre-toi ! » disait-il en s’éloignant du canon, quand tout à coup éclata au-dessus de sa tête une voix étrange, inconnue.

— Capitaine Touchine ! Capitaine !

Touchine se retourna effrayé. C’était ce même officier d’état-major qui l’avait chassé de Grount. D’une voix suffocante il lui criait !

— Quoi, êtes-vous devenu fou ! Deux fois on vous a ordonné de vous retirer et vous…

« Qu’ont-ils après moi ! » pensa Touchine en regardant craintivement son chef. — Moi… rien… — prononça-t-il en portant la main à sa visière — moi…

Mais le colonel n’acheva pas tout ce qu’il voulait dire.

Un boulet qui passait très près le forçait à se pencher sur son cheval. Il se tut, et, dès qu’il ouvrit la bouche, un nouveau boulet l’arrêta. Il tourna son cheval et s’éloigna.

— Retirez-vous ! Retirez-vous tous ! — cria-t-il de loin.

Les soldats se mirent à rire. Un moment après arrivait un aide de camp avec le même ordre. C’était le prince André. La première chose qu’il vit en allant à l’endroit qu’occupaient les canons de Touchine, ce fut un cheval dételé, avec la jambe cassée, qui hennissait près des chevaux attelés. Le sang coulait de sa patte comme d’une source. Parmi