Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol7.djvu/72

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tuels compagnons de jeu, après quoi aurait lieu une orgie qui se terminerait par le plaisir favori de Pierre.

— Ce serait bien d’aller chez Kouraguine, pensa-t-il ; mais aussitôt il se rappela la parole d’honneur, donnée au prince André, de ne plus fréquenter Kouraguine. Mais bientôt, comme il arrive aux hommes sans caractère, il désira si vivement jouir encore une fois de cette vie dépravée, qu’il connaissait si bien, qu’il résolut de s’y rendre. Et immédiatement, il lui vint en tête que la parole donnée ne signifiait rien, parce qu’avant de promettre au prince André, il avait donné au prince Anatole sa parole d’être chez lui. Enfin, — pensa-t-il, — toutes ces paroles d’honneur sont des choses conditionnelles qui n’ont aucun sens précis, surtout si l’on considère que peut-être demain même, on peut mourir ou qu’il peut arriver quelque chose de si extraordinaire qu’il n’y aura déjà plus rien, ni honneur ni déshonneur.

Ces raisonnements, en détruisant toutes ses résolutions et ses suppositions, venaient souvent en tête à Pierre. Il partit chez Kouraguine.

Arrivé au perron d’une grande maison située à côté de la caserne de la garde à cheval, et où vivait Anatole, il gravit le perron éclairé ; la porte était ouverte, il entra. Dans le vestibule, il n’y avait personne ; des bouteilles vides, des manteaux, des galoches étaient jetés là ; on sentait