Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol7.djvu/92

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— Eh bien, va, va avec ton monstre ! — dit la mère, feignant de repousser vivement sa fille. — C’est ma cadette, fit la comtesse à la visiteuse. Natacha, soulevant pour un moment son visage de la mantille de dentelle de sa mère, la regarda en dessous, avec des larmes du rire, et de nouveau cacha son visage.

La visiteuse forcée d’assister à cette scène de famille, crut poli d’y prendre part.

— Dites-moi, ma chère — s’adressa-t-elle à Natacha, — quelle est votre parenté avec cette Mimi ? C’est votre fille sans doute ?

Ce ton indulgent et cette question enfantine de la visiteuse ne plurent pas à Natacha. Elle ne répondit rien, et regarda sérieusement la princesse.

À ce moment, toute la jeune génération : Boris, officier, le fils de la princesse Anna Mikhaïlovna, Nicolas, étudiant fils aîné de la comtesse, Sonia, une nièce du comte, âgée de quinze ans, et le petit Pétroucha, le fils cadet, tous s’installèrent au salon, en s’efforçant visiblement de retenir dans les limites de la politesse l’animation et la gaîté que respirait encore chacun de leurs traits. Il était visible que là-bas, dans la chambre voisine d’où ils étaient accourus avec une telle précipitation, les conversations étaient plus gaies que celles des potins de la ville, du beau temps et de la comtesse Apraksine. De temps en temps, ils se regardaient l’un l’autre et à grand’peine se retenaient de rire.