Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol7.djvu/98

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sans vous, ajouta-t-elle, en souriant tendrement. Le jeune homme, flatté, se rapprocha d’elle avec le sourire coquet de la jeunesse, et commença une conversation en tête-à-tête avec Julie qui souriait, et il ne remarqua pas que ce sourire frappait du couteau de la jalousie le cœur de Sonia qui, rougissante, s’efforçait de faire bonne contenance. Mais, au milieu de la conversation, il la regarda. Sonia jetait sur lui un regard méchant et passionné, et, à peine retenant ses larmes, avec un sourire narquois sur les lèvres, elle se leva et sortit de la chambre. Toute l’animation de Nicolas disparut. Il attendit la première interruption de la conversation et, avec un visage inquiet, il sortit du salon et partit à la recherche de Sonia.

— Comme les secrets de cette jeunesse sont cousus de fil blanc ! dit Anna Mikhaïlovna, en montrant Nicolas qui sortait : — cousinage, dangereux voisinage, ajouta-t-elle.

— Oui, — dit la comtesse, quand le rayon de soleil introduit dans le salon par toute cette jeunesse eut disparu. Et comme répondant à une question que personne ne lui posait, mais qui la préoccupait sans cesse : Combien de souffrances et d’inquiétudes a-t-il fallu endurer pour se réjouir maintenant en les regardant ! Et maintenant, vraiment, il y a plus de crainte que de joie ; toujours on a peur… C’est précisément à cet âge qu’il y a tant de dangers pour les filles et pour les garçons.