se trouvait devant lui, sur la montagne, — ce sont des Français !
Les deux généraux et les aides de camp prirent vivement la longue-vue qu’ils s’arrachaient l’un l’autre. Soudain, tous les visages changèrent, tous exprimèrent l’effroi. On croyait les Français à dix verstes et ils paraissaient inopinément devant nous.
— C’est l’ennemi ?… — Non !… — Mais voyez, c’est lui…
— Assurément… que signifie cela ! — s’exclamaient les voix.
Le prince André apercevait à l’œil nu, en bas, à droite, une épaisse et forte colonne française qui montait à la rencontre du régiment d’Apchéron, à cinq cents pas à peine à l’endroit où se trouvait Koutouzov.
— « Voilà, le moment décisif est arrivé ! C’est à moi d’agir », pensa le prince André, et, piquant son cheval, il s’approcha de Koutouzov. — Il faut arrêter le régiment d’Apchéron, Votre Haute Excellence, — cria-t-il. Mais au même moment, tout était couvert de fumée, la fusillade s’élevait tout près et une voix naïve et effrayée cria à deux pas du prince André : « C’en est fait, camarades ! » On eût dit que cette voix était un ordre. À cet ordre tous se mirent à courir.
Une foule toujours croissante courait, en revenant sur ses pas, à l’endroit où cinq minutes avant les troupes passaient devant les empereurs. Il était non